Izzy F.Stone, journalist 1907-1989, editor I.F.Stone’s weekly: ‘Alle regeringen worden geleid door leugenaars
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Notes pour le colloque « Risques et loisirs au bord des grands fleuves d’Europe » les 22 et 23 septembre à Orléans

Je voudrais vous parler de la GRANDE EVACUATION en Hollande, il y a dix ans.
D’abord une petite introduction:

Les Pays-Bas sont entourés par la mer et traversés par des fleuves et des rivières.
Cela veut dire que de façon permanente nous menons deux luttes contre l’eau:
Une lutte contre la mer et
Une lutte contre les fleuves.
L’aéroport de Schiphol se trouve à quatre mètres et demi au-dessous du niveau de la mer.
Le point le plus bas, à proximité d’un quartier neuf de Rotterdam, est à moins six mètres quatre-vingt.
L’eau de la mer monte.
Le sol des polders baisse.
On n’a pas le choix, il faut pomper pour évacuer l’eau ou bien c’est la noyade.
L’ensemble des digues, des levées, des quais, des oeuvres de défense et des dunes forme une longueur de huit mille kilomètres de protection contre la mer.
Sans les travaux de l’homme plus de la moitié du pays serait submergée, soit de façon permanente, soit au rythme des marées.
Pour maintenir cette défense, chaque année nous investissons presqu’un milliard d’Euros.
Dans la lutte permanente contre l’eau il faut d’assimiler entre la lutte contre l’eau haute (l’eau des fleuves) et la lutte contre l’eau basse (l’eau de la mer). Mais il serait trop simple d’identifier l’un et l’autre danger. C’est de la démagogie de mettre au même rang – comme on l’a fait – d’une part les problèmes causés par l’eau en mil neuf cent quatre-vingt-quinze et l’évacuation de cette année et de l’autre les inondations de mil neuf cent cinquante-trois.
En mil neuf cent cinquante-trois, quand j’avais 13 ans, une nuit la force destructive des flots provoqua une véritable catastrophe. Ces inondations entrainé en deux mille victimes. Dans mon village, au Sud-Ouest de la Hollande, nous avons alors été pris au dépourvu par un raz-de-marée. Je me rappelle avoir vu surgir un mur d’eau de deux métres de haut, provoqué par plusieurs ruptures dans les digues. Parmi les vingt et un victimes dans notre village, se trouvait mon meilleur ami. Le village est resté inondé pendant quatre mois. L’eau salée avait tué tous les arbres et arbustes. Pendant plusieurs ans, c’était impossible de cultiver la terre.

Ce que je veux dire, c’est qu’en mil neuf cent cinquante-trois, l’eau de la mer est venue comme un voleur dans la nuit. Mais l’eau des grands fleuves a toujours la gentillesse de s’annoncer au moins trois jours en avance.

Presque toute ma vie j’ai habité la région des fleuves en Hollande. Quand à Cologne, l’eau du Rhin monte à une hauteur de huit mètres, je sais que trois jours après chez nous, l’eau remplira son lit d’hiver et grimpera contre la digue devant ma maison. Des fois c’est un spectacle fantastique. D’après mon expérience, tous les sept ans, et conforme en cela aux lois bibliques, l’eau monte de façon spectaculaire. On dirait que l’eau en quelque sorte a une mémoire. Mais il arrive que l’eau perd cette mémoire.
Comme à Noël mil neuf cent quatre-vingt-treize et en février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

Fin janvier début février mil neuf cent quatre-vingt-quinze l’eau etait tellement monté dans les grands fleuves des Pays-Bas que deux cent mille personnes se sont enfuies ou ont été évacuées.
Plus de cent mille vaches, deux cent mille porcs, plus de deux millions de poules et près de cent mille moutons ont dû être transportés vers des régions situées à un niveau plus élevé.
L’eau est montée jusqu’à seize mètres et soixante-huit centimetres au-dessus du niveau NAP (niveau zéro d’Amsterdam), quinze centimètres de moins qu’en mille neuf cent vingt-six , où l’on a noté la crue record du siècle. L’année précédente l’eau avait déjà atteint un niveau extrême. De plus, en mil neuf cent quatre-vingt-quinze les crues du Rhin et du Waal précédaient les débordements de la Meuse. Ces derniers n’ont rien d’exceptionnel car la Meuse est un fleuve à régime pluvial qui, s’il pleut suffisamment, s’étend à son lit majeur. La raison pour laquelle les crues de la Meuse font l’objet d’une attention aussi dramatique de la part de la presse ces derniers temps, est que le fleuve est toujours plus enfermé et que les laisses – le domaine naturel du fleuve – sont devenues le territoire de la nouvelle expansion des villes et des villages. Car l’aménagement du territoire et la gestion du fleuve ne sont pas harmonisés aux Pays-Bas. La crue de la Meuse provoqua ainsi une amorce d’information, avec comme conséquence le fait qu’en mil neuf cent quatre-vingt-quin ze les Pays-Bas furent sous le pouvoir fascinant des crues pendant des journées entières. Des images de maison inondées dans la vallée de la Meuse, de villages inaccessibles, de réfugiés dans les églises. La tension nerveuse s’accrut ici et là. Lorsque l’eau finit par monter également dans le Rhin et le Waal , une partie de la population perdit confiance. De ce fait, des milliers de gens s’étaient déjà enfuis avant l’ordre d’évacuation des autorités. L’un des donneurs d’ordre a ensuite défendu cette fuite de la manière suivante : « Si tout le monde s’en va, vous êtes bien obligé de mettre en scène quelque chose en tant qu’autorité, sinon vous perdez le contrôle ».
Le signal d’évacuation n’aurait d’ailleurs jamais été donné dans la région des grands fleuves, si un plan de lutte contre les catastrophes naturelles n’avait pas été établi dix jours auparavant dans la région de Nimègue – à peu près à l’endroit où le Rhin entre dans le pays. Il y est dit qu’en cas de niveau des eaux à seize mètres et cinquante centimetres, il faut évacuer la région. Le plan, dont seulement quelques personnes connaissaient les détails, provoqua de la confusion et des dissensions parmi les administrateurs et fonctionnaires de la région. L’un avait confiance dans les digues, l’autre pas. Des ingénieurs en hydraulique contestaient la manière rigide dont le seuil critique de seize mètres en demie était appliqué. Certains administrateurs de digues voyaient dans l’évacuation l’occasion d’activer enfin les projets de renforcement des digues. Le commissaire de la Reine ne disposait pas de connaissances topographiques suffisantes. De ce fait on évacua des villes comme Tiel et Zaltbommel qui auraient eu tout au plus vingt à trente centimètres d’eau en cas d’inondation. Il a fallu évacuer des villages sur des buttes, situés nettement au-dessus du seuil critique qu’on appelle aux Pays Bas le niveau zéro d’Amsterdam (NAP). La police confondit des noms de villages et somma les gens de partir. Des services publics firent des erreurs de pronostics concernant les niveaux de l’eau. Les syndicats des eaux, les communes, la province et le ministère des travaux publics et de la gestion des eaux, personne n’était d’accord. C’était pénible de voir à quel point chacun essayait de damer le pion à l’autre, comment des petites et grandes administrations en profitaient pour vider leurs querelles et essayaient de gagner la danse pour le pouvoir devant le front des médias. Au moment suprême, alors qu’un maire donnait de manière unilatérale l’ordre d’évacuation, l’autoroute électronique fut complètement encombrée. Les téléphones et les fax tombèrent en panne, le réseau des téléphones mobiles ne marchait plus, le réseau d’urgence était silencieux, et seul un léger bruissement sortait des talkie-walkie. Toutes les lignes vers et depuis le centre de coordination provincial se turent pendant une heure et demie. Et dehors des images du film « Le Weekend » – des bouchons de plusieurs kilomètres, constitués de voitures, sur lesquelles s’empilaient des canapés et des téléviseurs, appartenant à des gens qui fuyaient la région sinistrée mais qui étaient coincés sur des routes encombrées, dans l’obscurité et la boue du polder. Des familles passèrent des heures dans leurs véhicules parce que l’infrastructure n’était pas équipée pour un tel mouvement de masse. Si une digue s’était rompue à ce moment là, cela aurait vraiment été dangereux, ainsi que le réalisèrent par la suite les administrateurs. Alors que l’eau montait, la région des fleuves fut inondée par des centaines de journalistes du monde entier. Les autorités locales furent brusquement confrontées à un nouveau phénomène, celui de la télévision réalité et de l’information spectacle journalistique à la recherche d’un scoop. Avec une régularité retentissante on pouvait voir dans les salles de séjour du monde entier la disparition de ces basses terres au bord de la Mer du Nord. Il n’y avait pas de place pour les nuances. Ainsi naquit l’image de l’autorité pourchassée par le journaliste et du journaliste pourchassé par une chimère. Au bout de quatre journées palpitantes tout retourna au calme.

Je sais, le monde change. Quand autrefois les grands fleuves étaient sortis de leur lit, on pouvait écouter à la radio de brefs bulletins d’information ou lire dans les journaux une nouvelle de deux colonnes au plus. Et puis sur la digue, se formaient des embouteillages de passants curieux. C’était tout. A l’heure actuelle, ou les médias sont commercialisés et que les nouvelles est devenue marchandise, la montée des eaux fait tout d’un coup partie d’un drame réaliste, donne même lieu à une cabale bruyante. Pour les médias, la crue constitue parfois un cadeau du ciel parce qu’elle nous offre l’occasion de montrer des prises de vue et des images photogéniques. Et dans les salles de séjour, devant son petit écran, le téléspectateur on est captivé. Les spectateurs ont l’idée qu’il se passe vraiment quelque chose de terrible.

Pendant la crue de mil neuf cent quatre-vingt-quinze, un changement étonnant s’est produit dans la conduite des habitants de la région. Ils se sont montrés plus indépendants, plus émancipés et – de leur propre chef – ils ont pris des décisions. Ce qui a surpris les autorités. Comme un dirigeant des agriculteurs me disait, nous pensions que les gens attendraient tranquillement le signal que nous leur donnerions. Mais c’était une erreur. Chacun a pris sa voiture et est parti – loin du danger.
D’Autre part, il y a vais des des habitants qui ignoraient l’ordre de partir, ils decidaient de rester dans leurs maisons

On a vu d’autres changements.
Là où j’habite, les zones inondables ont ces dernières années été progressivement envahies par des maisons et infrastructures qui a leur tour doivent se protéger contre des eaux montantes. L’espace réservé contre l’eau se réduit sans cesse. Ainsi le gouvernement vient de lancer l’idée fâcheuse de vouloir créer de nouvelles zones d’habitation voisinant les digues du côté extérieur – l’espace qui est nécessaire à absorber l’excédent d’eau.
Les zones de surstockage ont disparu. Autrefois il y avait par exemple les vastes déversoirs au centre de la région fluviale. Aujourd’hui on y trouve les quartiers neufs des grandes villes. Derrière les digues surtout dans les zones de stockage d’eau on a construit des maisons.

Au fond, l’homme mène une troisième lutte: celle des communes ambitieuses et des promoteurs de constructions d’une part, qui voudraient s’agrandir, fleurir et continuer à construire – et de l’autre ceux qui demandent de l’”Espace pour les fleuves”. Pour la première fois dans l’histoire on se rend compte qu’il est temps de reculer devant l’eau – de faire un mouvement en arrière. Aujourd’hui on voit que l’eau n’est plus une ennemie mais une alliée qu’il faut chouchouter et dorloter. On sait que la solution n’est pas de continuer à surélever les digues. Il faut mieux être modeste. C’est pourquoi maintenant on déplace les digues vers l’intérieur du pays pour donner plus d’espace aux fleuves. On se protège contre les menaces de l’eau en lui rendant du terrain gagné sur elle.

C’est ca l’avenir

(Et pour finir, il y a huit ans que ma femme et moi ont decidé d’acheter une maison dans la vallée du Lot. Nous faisions des plaisanteries, nous nous disions que si jamais on decide de rendre Les Pays Bas a la mer, nous avons toujours une alternative, un réfuse. En decembre deux mille trois, une vague d’eau avec une hauteur de deux metres passait le long de deux cent kilometres du bassin fluviae du Lot et a inondé maisons et villages.
Notre maison aussi.
Fuire n’est plus possible

Rudie van Meurs / POLDERPERS.NL
Orleans 23 september, 2005

Polderpers